Une petite histoire pour rendre
accessible aux enfants la belle histoire du Grand bleu.
L’homme
dauphin
Il était une fois, un petit garçon de 10 ans nommé Jacques. Il vivait en
Grèce, un pays au bord de la mer Méditerrané ayant pour particularité d’être
composé d’îles.
Ce pays, il y a fort longtemps, fut
un des berceaux de la civilisation. Sirènes, cyclopes, géants, pégase, sylphide, c’est là que ces
créatures légendaires virent le jour.
Jacques lui, était passionné par les fonds marins et son plus grand rêve
était de rencontrer une sirène. Il avait une particularité, un don très rare
qui faisait de lui une personne hors du commun : une longue apnée. Sa
respiration pouvait être retenue beaucoup plus longtemps que la moyenne. Tenir
sous l’eau pendant une ou deux minutes est déjà difficile, voire douloureux
pour le commun des mortels. Jacques, lui, pouvait tenir dix minutes, ce qui
lui permettait de partir loin en profondeur.
Chaque jour, il partait donc à la
conquête de son univers. Les dauphins le rejoignaient parfois et l’entrainaient
avec eux pour jouer pendant des heures.
Dans son village, il était une célébrité car différent, mystérieux et
serviable. Il ramenait des coquillages et des crustacés pour tous. Mais il
n’était pas seul à posséder ce pouvoir magique. En effet, un autre enfant du
village nommé Enzo, au caractère bien trempé et aimant prouver sa force, avait
pour habitude de provoquer Jacques afin de constater lequel des deux pouvait
rester le plus longtemps sous l’eau. Jacques lui, n’aimait pas la compétition,
il parlait peu et préférait la compagnie des animaux marins à celle des hommes.
Mais comme tous les enfants, Jacques devint un adulte quelques années
plus tard et sa vie insouciante d’autrefois ne le fut plus. Devenu chauffeur de
Taxi dans une ville côtière de France, il s’était résolu à mener une vie
semblable à celle des autres. Les longues baignades devinrent donc très rares.
Un jour, son ami d’enfance, Enzo, vint lui rendre visite. Celui-ci était
devenu champion du monde en apnée. Cependant, son titre ne lui procurait plus
la même satisfaction au bout de 10 années de compétition. Il ne trouvait pas
d’adversaire à sa taille et Jacques lui refusait toujours ce face à face tant
espéré.
« Mon ami, mon frère, je viens
pour la dernière fois t’implorer. Viens avec moi au prochain championnat du
monde ! »
Cette fois-ci, Jacques ne refusa pas,
son instinct le poussant à franchir le pas.
Il recommença donc à s’entrainer
chaque jour en se baignant et ainsi, ressenti à nouveau ce sentiment de joie
l’envahir. Sa nature profonde refaisait surface et il réalisa qu’il n’était pas
vraiment heureux sans être en contact de la mer.
En mettant de côté sa passion, il
s’était vidé de son oxygène.
Son apnée à lui, c’était de vivre en
ville, avec des humains uniquement et de les conduire d’un point à l’autre dans
une boite en métal qui roule.
Il se sentait seul et incompris, en
décalage avec son corps qui avait besoin non pas de marcher mais de nager.
« Pourquoi ne trouves-tu pas quelqu’un à aimer ? » lui demanda Enzo un jour.
Jacques lui expliqua qu’il n’arrivait
pas à retenir une femme.
« A chaque fois, elles me
reprochent de ne pas beaucoup parler, que je suis trop mystérieux et elles m’en
demandent trop. C’est comme s’il fallait que je leur appartienne et que je
change pour avoir une réelle valeur à leurs yeux. Pour moi, ce n’est pas ça
l’amour et donc je préfère rester seul. »
Enzo qui n’avait aucun souci avec les
femmes, fut attendri par l’innocence et la pureté de cœur de son ami.
« C’est une sirène que tu espères
rencontrer n’est-ce pas ? Seulement, Jacques, n’oublie pas que la vie sur
Terre est bien réelle et ne ressemble pas aux légendes. Si une personne digne
de toi rencontre ta route, ne l’écartes pas trop vite et essaye de faire des compromis
entre l’homme et le dauphin qui est en toi. »
Et le destin se chargea d’offrir à Jacques cette compagnie tant espérée.
Elle
s’appelait Johanna et aima Jacques sans demi-mesure. Elle acceptait tout
de lui et ne lui demanda pas d’aller à l’encontre de ses habitudes. En lui
laissant sa liberté de passer du temps avec elle quand il le souhaitait, en
l’encourageant à parler de ses rêves sans se moquer de lui, en admirant son
enfance hors du commun et en ne lui reprochant pas son manque de communication ;
elle réussit à apprivoiser Jacques. Celui-ci se sentait vraiment bien auprès de
Johanna et réalisa qu’il était amoureux pour la première fois de sa vie.
Le jour de la grande compétition arriva.
Jacques remporta le titre en
plongeant jusqu’à 110 mètres de profondeur. Il battit Enzo d’un petit mètre.
Bon perdant, celui-ci le félicita mais lui dit.
« Je te met au défi de
recommencer dans un an. »
Cette expérience fut une révélation
pour Jacques car il avait adoré plonger aussi loin. De plus, la satisfaction
d’avoir remporté un titre aussi important lui donna le goût de la compétition.
C’est ainsi que Jacques participa à tous les concours existants aux
quatre coins du globe.
Johanna le suivit de partout,
délaissant sa vie, ses amis, son travail. L’amour inconditionnel qu’elle
ressentait pour Jacques était beau certes mais mal maitrisé et se transformait
ainsi en sacrifice. Elle perdait son identité se réjouissant uniquement d’être
auprès de son bien-aimé, pensant que ses sentiments étaient aussi forts d’un
côté comme de l’autre.
Mais un jour, ce fut la douche froide
et elle réalisa qu’elle était dans l’illusion.
- Que ressens-tu exactement quand tu
plonges ?
- C’est comme si je glissais sans
m’arrêter. Je me sens tellement bien, léger, libre, chez moi… Sous l’océan,
tout est plus grand, plus beau, plus silencieux et plus bleu. Il me faut
trouver une bonne raison pour que je décide de remonter. L’instinct de survie,
je présume…
Ainsi, Johanna comprit que malgré
leur amour, elle ne saurait jamais le combler comme elle le souhaiterait.
« Jacques n’est pas vraiment un
être humain, il n’est pas adaptable à notre société. Il vient d’une autre
planète. Tu es trop amoureuse pour t’en rendre compte, protèges-toi, c’est un
conseil… » lui dit Enzo un jour où elle se confia à lui.
Johanna savait qu’il avait raison
mais elle se mit en tête qu’un enfant pourrait changer les choses et donner une
raison valable pour que Jacques ressente l’envie de remonter à la surface.
Peut-être de façon définitive…
Deux mois passèrent et arriva la compétition internationale d’apnée qui
se déroulait en Grèce et où se rendirent Jacques, Johanna et Enzo.
La veille du concours, les amoureux
étaient en train de se baigner dans une crique. Johanna se mit à parler mais
Jacques ne l’écoutait pas, il jouait, tel un enfant.
« J’aimerai qu’on parle de mon
univers pour une fois. Mon univers c’est toi…
Je t’aime, toi, plus que tout au monde. Je veux vivre réellement avec
toi, avoir une maison. Je veux fonder une famille avec toi. »
Constatant qu’il ne l’écoutait pas
vraiment, elle se mit à crier son nom, pleurant de désespoir devant tant
d’indifférence. Jacques stoppa enfin ses ébats dans l’eau et lui fit comprendre
qu’il l’écoutait.
« Jacques, j’attends un bébé de
toi. Je suis tellement heureuse. Qu’en penses-tu ? »
Sous le choc, notre homme dauphin ne
sut pas répondre autrement que :
« Je suppose que c’est une bonne chose… ».
Le soir-même, assis sur la plage, Jacques qui n’arrivait pas à ressentir
la moindre émotion vis-à-vis de cette nouvelle, fut réellement désappointé.
Soudain, il aperçut au loin un
dauphin qui sautait hors de l’eau et chantait afin de l’inciter à le rejoindre.
Sans hésiter, il rejoignit l’animal tant aimé.
« Tu vois cette photo de dauphin
dans mon portefeuille, avait-il dit un jour à Johanna, au bord des larmes, ça
c’est ma véritable famille. Tu en connais beaucoup des gens qui ont ce genre de
famille toi ? Je suis vraiment anormal»
Ce souvenir revint instantanément à l’esprit
de Jacques. Tout en câlinant le dauphin,
il lui murmura :
« Mon doux ami, si tu savais
comme il est compliqué d’être un humain. Je souhaiterai tellement faire partie
de ta famille. »
A ses mots, le dauphin fut comme pris
de frénésie. Battant des nageoires, cliquetant de la mâchoire, il semblait
inviter Jacques à le suivre.
« Viens » entendit-il
distinctement dans sa tête.
S’agrippant à l’aileron du dauphin,
Jacques nagea très loin puis au bout d’un moment parti en apnée pour suivre son
ami.
C’est là, dans les profondeurs, que Jacques aperçu une lumière venant de
nulle part qui s’approchait de lui. C’était une créature enchanteresse, mi
femme mi dauphin, qui se tenait face à lui, scintillant telle une rivière de
diamant. La bienveillance et la beauté qu’elle dégageait hypnotisaient Jacques
qui pensa qu’il n’avait jamais rien vu d’aussi beau de sa vie. Son rêve
d’enfance s’accomplissait enfin, il venait de rencontrer une sirène ! Autour
d’elle, un monde sous-marin féerique aux multiples couleurs et composé de formes inédites
apparut progressivement.
« Anémone t’as menée jusqu’à moi,
tu dois être quelqu’un de très spécial… »
La sirène communiquait par
télépathie, tout comme le dauphin et également, comme la plupart des animaux.
Des pensées émises dans l’intention d’être reçues par un destinataire précis,
sans que le son normalement perceptible par les oreilles n’intervienne.
Ce système de communication était
d’une telle évidence pour Jacques, qu’instinctivement il sut comment répondre à
la sirène.
- Je suppose qu’Anémone a compris ce
que je lui disais tout à l’heure lorsque j’ai émis le souhait de faire partie
de sa famille. Elle m’a menée à vous, je suis tellement heureux, c’est comme si
j’étais rentré à la maison…
- Tu as le cœur pur et l’âme d’un
habitant des profondeurs. C’est ici, au large de la Grèce que nous, les sirènes
nous vivons. Je me nomme Marina, veux-tu nous rejoindre en devenant l’un des
nôtres ?
Jacques hésita, pensa à Johanna, Enzo
et le bébé à venir. Constatant qu’il serait plus chagriné de renoncer à cet
univers qu’il avait tant cherché plutôt que de les perdre ; il estima que
le sacrifice était nécessaire.
- Oui, je veux rejoindre votre
peuple.
- Dans ce cas je préfère effectuer ta
transformation maintenant car notre existence est secrète et doit le rester. Je
ne peux prendre le risque de te laisser remonter pour revenir plus tard.
Jacques acquiesça et fit comprendre
qu’il ne pouvait bientôt plus respirer.
La sirène prit alors le visage de
Jacques entre ses mains, posa ses lèvres sur les siennes dans un baiser
magique, initiateur d’un nouveau souffle de vie. Le coquillage s’illumina d’une
vive lumière qui fit fermer les yeux du jeune homme. Lorsqu’il les rouvrit, il
n’en était plus un.
Ses jambes avaient fait place à une
belle queue de dauphin. La sirène lui prit la main et l’invita à la suivre.
« Bienvenue chez toi
Jacques. »
Un an plus tard, grâce à de nouvelles facultés médiumniques permettant
l’obtention d’images ; Jacques découvrit avec joie la situation de ses
amis humains.
Enzo était redevenu champion du monde
d’apnée mais il avait également gagné le cœur de Johanna. Ensemble, ils
élevaient son fils et semblaient très heureux.
- Tout est bien qui finit bien,
n’est-ce pas ? déclara Marina
- Oui, tout est bien qui finit bien, répondit Jacques en embrassant sa sirène bien-aimée.
- Oui, tout est bien qui finit bien, répondit Jacques en embrassant sa sirène bien-aimée.
FIN
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