lundi 15 avril 2019

L'enchanteur

  
Ce blog me permet de partager. Ici je vais partager ce qu'est pour moi la plus belle scène d'amour décrite dans la littérature. Mon auteur préféré, Barjavel a écrit l'Enchanteur. Sa reconstitution de la quête du Graal, la table ronde d'Arthur, les amours intenses mais douloureux, Merlin… sont accompagnés d'un univers magique. C'est ce qui peut déranger. A moi, cela m'apporte évasion, émotion, espoir et un sentiment fort que l'histoire n'a jamais été mieux transposée qu'ici.
   Avant la fameuse page dans laquelle il est écrit " A l'intérieur de cette page blanche, Guenièvre et Lancelot s'aiment", voici le principal extrait que je veux présenter où le couple mythique est enfin réuni :

" Ici nous ne pouvons que nous taire. Pour décrire l'amour qui s'accomplit, tant de joie éperdue, la timidité d'abord, peut-être, l'effroi, le cœur qui veut sauter hors de la poitrine, les mains qui veulent connaître, qui se tendent, qui se posent, qui se brûlent, la découverte, l'émerveillement, les corps qui se joignent peau à peau et s'unissent, la stupeur, l'envol, le bonheur de l'autre, la douce lassitude, la tendresse, la gratitude infinie, et la redécouverte et le nouvel élan, et les frontières de la joie sans cesse reculées, et celles du monde volant en éclats, pour dire la délivrance du cœur que plus rien ne gêne, l'épanouissement de l'esprit qui comprend tout, pour donner même une faible idée de ces moments hors du temps et de toutes contraintes, il faudrait employer d'autres mots que ceux dont dispose le langage ordinaire. Pour parler des joies de l'amour et des lieux du corps qui leur donnent naissance, il n'existe que des mots orduriers ou anatomiques. Ou d'une pauvreté si misérable qu'ils sont comme une peinture grise sur le soleil. Le plus affreux d'entre eux est le mot "plaisir".
Les amants inventent leur propre vocabulaire, mais il n'a de signification que pour eux. Alors laissons Guenièvre et Lancelot murmurer, balbutier, chanter leur amour, leur folie, leur éblouissement. La porte s'est refermée. Eloignons-nous en silence…"

  Pas étonnant que je sois critique lorsque l'univers musical réduit l'amour à une partie de jambes en l'air, à la simple attirance physique, avec trop de simplicité et toute cette vulgarité. Evidemment je ne prends pas en compte le nombre conséquent de beaux titres (anciens) qui existent. Le problème est qu'aujourd'hui on nourrit la jeune génération avec du bruit. Ils n'ont pas accès à la poésie. On se demande si l'industrie de la musique s'est donnée comme mission de vider les cœurs et les esprits de toute étincelle d'amour et d'inspiration. Honnêtement, ça me fait vraiment de la peine...

D'autres courts extraits enchanteurs, pour le plaisir de faire résonner nos cœurs souvent en quête de ce fameux Graal.


" Se quitter ! Il fallait se quitter ! Se séparer ! Se déchirer !... Et rejoindre le monde des autres, ce monde devenu tellement étranger, avec ses bruits, ses gestes, tout ce qu'il faudrait dire et faire sans en avoir envie, parmi ces fantoches qui croyaient vivre et ne faisaient que s'agiter…"

"- Pauvre femme ! dit Merlin.
- Heureuse, bienheureuse femme ! dit Viviane. Elle peut souffrir, mourir, peu importe, après les nuits et les jours qu'elle vient de connaitre !... Pourquoi mon aimé, me refuses-tu, pourquoi Dieu nous refuse-t-il cela ?
- Nous aurons mieux Viviane, nous devons avoir mieux que cela…"

" Il y a plus de mille ans vivait en Bretagne un Enchanteur qui se nommait Merlin…
Il possédait les pouvoirs et ne les utilisait que pour le bien mais parfois il commettait une erreur, car s'il n'était pas un homme ordinaire, il était humain cependant.
Pour les hommes il était l'ami, celui qui réconforte, qui partage la joie et la peine et donne son aide sans mesurer. Et qui ne trompe jamais.
Pour les femmes il était le rêve. Celles qui aiment les cheveux blonds le rencontraient coiffé d'or et de soleil et celles qui préféraient les bruns le voyaient avec des cheveux de nuit ou de crépuscule. Elles n'étaient pas amoureuses de lui, ce n'était pas possible, il était trop beau, inaccessible, il était comme un ange. Seule Viviane l'aima, pour son bonheur, pour son malheur peut-être…
Pour tous il était l'irremplaçable, celui qu'on voudrait ne jamais voir s'en aller mais qui doit partir un jour.
Quand il quitta le monde des hommes, il laissa un regret qui n'a jamais guéri. Nous ne savons plus qui est celui qui nous manque et que nous attendons sans cesse, mais nous savons bien qu'il y a une place vide dans notre cœur."

De la jeunesse d'Arthur jusqu'à la destruction de son royaume, tout est là… Sans longueurs.
Et pour conclure je ferais la remarque suivante : L'éducation nationale ne proposerait jamais un tel chef d'œuvre à étudier. Non cela ouvrirait les esprits à de belles choses. A la place on a le droit à des œuvres poussiéreuses, toujours les mêmes qui ne nous intéressent pas forcément. Moi qui aime lire depuis toujours, lorsqu'il a fallu se taper "Le rouge et le noir", "La mare au diable", "Candide", "L'avare" et j'en passe, je me souviens à quel point j'avais du mal à me concentrer au fil des pages. Une corvée… Je ne développerais pas davantage sur le dossier Education nationale.
N'hésitez pas à découvrir ce livre ainsi que la totalité des romans de Barjavel.
Bonne lecture !

 

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