« Chère Nelly,
Un petit retour sur
ces quatre derniers mois. Nous nous sommes envoyés des sms, je le sais bien. Mais,
je voulais faire les choses à l’ancienne, d’où cette lettre. Je suis consciente
que tu connais les grandes lignes de ce qui va suivre mais je te demande de
faire abstraction. Dans quelques années, qui sait, nous relirons cette lettre
ensemble. Peut-être en rirons nous, peut-être serais je attendrie ?
Si tu voulais faire
la même chose de ton côté et m’envoyer une lettre, ou bien un dessin, j’en
serais très heureuse. Les conversations écrites sont sacrées…
J'ai beaucoup de choses à te raconter sur Roméo et l'état dans lequel je suis. C'est un Koh Lanta de l'amour que je vis mais seule… Tu découvrira tout ça à la fin de cette lettre.
Le lycée est
une réussite totale ! Les gens m’apprécient, les filles comme les garçons.
Je me suis fait pas mal d’amis dont un groupe auquel je tiens beaucoup :
Célia, Bastien, Lisa, Justine et Jules. Nous sommes tous dans la même classe et
il y a une vraie complicité entre nous. On rigole beaucoup, on s’écoute, on
partage nos idées, on discute librement de ce qu'il se passe chez nous, c’est
vraiment top !
Et puis avec Lisa,
nous faisons partie du journal du lycée. Mes illustrations ont du succès. Mes
idées pour exprimer les sujets traités à travers des dessins sont assez bonnes.
C’est une autre façon d’exploiter l’artistique, c’est intéressant.
En ce qui concerne les cours, aucun souci. Comme
l’année dernière, beaucoup de travail mais tu sais ce que c’est. Du coup je
bosse dur, il faut absolument que j’ai mon bac pour intégrer Condé donc je n’ai
pas le choix. Le souci, c’est qu’entre les devoirs et le fait de rentrer tard
presque tous les soirs, on galère pour promener les chiens. La nuit tombe
désormais vers 18h donc fini les promenades en forêt, on se contente de faire deux
fois le tour du Canada ranch. Le mercredi et le week-end on peut se rattraper. Heureusement,
maman les promène avec Elodie et Fabien une fois par jour. Ils lui ont fait
découvrir de nouvelles randonnées assez pratiques. Ils en profitent pour
promener leurs chiens aussi. Ils ont bien grandi, j’aimerais tellement te les
présenter.
Lorsque nous sommes
allés à Paris en Octobre, j’ai déchanté. Je ne te l’ai pas dit quand nous nous
sommes vues car j’en ai pris conscience à mon retour. Je ne vois plus Paris de
la même façon. Trop de bruit, trop de monde, trop de circulation. C’est quand
on s’éloigne de la ville qu’on prend conscience que le manque de nature n’est
justement pas naturel.
Roméo est toujours
avec Maeva. Je n’ai pas eu la chance de passer ne serait-ce qu’un moment seule
avec lui. Je le vois beaucoup moins. Les repas en commun
se font rares. Chacun mange chez soi. Nous, « les jeunes » sommes tous
très occupés. On arrive à se retrouver le week-end mais Roméo est rarement là.
Il
est souvent à Colmar avec ses amis et certainement avec sa Maeva. Et quand il
est ici, il fabrique des choses en bois : mobiles, coffres, décorations … Pauline
nous a dit qu’il est à fond depuis que ses parents lui ont installé une sorte
d’atelier. Il a quelques commandes, apparemment. Il y a des chances que l’année
prochaine il se lance dans la menuiserie. Je suis heureuse pour lui.
Un petit
message pour partager ces bonnes nouvelles, ça aurait été sympa ! Mais
apparemment, je n’existe plus. Je suis plus déçue que triste. La logique serait
que je me fasse une raison mais il y a ce feu en moi qui m’en empêche. Parfois
la nuit, nous nous retrouvons dans mes rêves. Rien d’extravagant et c’est
toujours la même chose : tous les deux l’un à côté de l’autre, mains
jointes, les regards, pas besoin de parler. Ce simple contact et sa présence, me donnent
l’impression d’être complète. Au réveil je suis revigorée et de nouveau armée
de patience.
Le voir tous les
jours avec Maeva est difficile. Au début, c’était l’enfer : une main qui
me pressait le cœur, une masse qui me tapait sur la tête. Et puis cette voix dans ma tête dès que je les voyais ensemble « Dégage connasse,
c’est moi qui devrais être à ta place ! » Cette colère, cette
jalousie, je n’en pouvais plus ! J’ai recommencé à me laisser aller dans
la déprime, comme avant… Mais heureusement, ça n’a pas duré longtemps. Mes chiens et Jenny
m’aident beaucoup à retrouver le moral.
C’est toujours
désagréable de les voir au lycée mais ce n’est plus insupportable. D’ailleurs,
ça fait deux semaines que je les sens moins proches. Je me fais peut-être des
illusions. Dois-je me manifester ? Je n'oserai pas, les peurs reprennent le dessus.
Comme tu le sais, je crois qu’il y a une vie
après la mort. Et pourquoi pas plusieurs vies…En tout cas je suis convaincue que
nous ne sommes pas qu’un morceau de viande dirigé par un cerveau. La science est
incapable d’expliquer ce qui fait vibrer un cœur. Ce que je vis à travers cet
amour est une sorte de preuve personnelle que l’âme existe. Est-ce pour cela
que je vois davantage de beauté et de sens en toute chose ?
Je connais Roméo "d'avant" ce n'est pas possible autrement. Et pourtant je le connais à peine. C'est un sentiment au-delà de ce qu'on connait : tomber amoureux la passion, l'attirance… Non, ce n'est pas ça. Je n'ai pas découvert un garçon qui me plaît, j'ai retrouvé quelqu'un que je cherchais depuis toujours, sans le savoir et sans pouvoir expliquer pourquoi lui. Il pourrait être handicapé, bien plus âgé que moi ou je ne sais quoi d'autre, ça ne changerait rien.
Même si je n’arrive
pas à me réunir avec Roméo, il m’aura offert le plus beau des cadeaux : il a redonné vie à mon cœur. Le cœur qui est, maintenant je le sais, la clé de
notre âme.
Ce qui m'attriste néanmoins c'est l'évidence que je n'arriverai pas à trouver le bonheur auprès de quelqu'un d'autre. Quand tu ressens une telle puissance, une telle reconnexion, est-il possible de prétexter aimer quelqu'un d'autre ? Arriverais je à me contenter de moins avec un autre ? Il faut mieux que je me fasse à cette idée après tout, Roméo semble dans l'indifférence totale. Suis-je obsessionnelle ? J'ai tant besoin de réponses. En tout cas je suis suffisamment équilibrée pour ne pas tomber dans l'éthéromanie : quelle horreur !
Qui vivra verra mais la patience, elle est loin d'être ma meilleure amie comme tu le sais… Sacrée histoire, on se croirait sur un parcours initiatique : retour à soi, ouverture de cœur, questions sur les mondes de l'invisible, patience, blessures de rejet, d'abandon, d'humiliation, de trahison, acquérir le lâcher prise, la patience, l'amour de soi. Je crois n'avoir rien oublié. Je suis une toute autre personne depuis que Roméo a actionné l'interrupteur. Un seul regard te rends tu compte ! C'est de la folie et j'aimerai que ça s'arrête, au moins jusqu'à ce qu'il revienne vers moi (sait-on jamais…). Je suis fatiguée de l'avoir dans mes pensées. C'est un effort constant de l'en chasser pour faire de la place aux autres choses qui, elles, sont concrètes.
Ton amie qui ne
t’oublie pas
Lola Valenti
Leika et Natsu te saluent également !
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